Soudain, le pas ralentit. Le regard se perd entre les arbres séculaires. L’esprit vagabonde. La sérénité nous gagne. Le Parc oriental a frappé une nouvelle fois ! Imaginé pour offrir un moment de déconnexion, voire de reconnexion, le plus grand jardin japonais d’Europe transporte les visiteurs hors du temps, à des milliers de kilomètres de là, éveillant leurs sens à chaque recoin. Mais comment a pu s’inviter le pays du soleil levant à Maulévrier, au cœur du bocage ? Retour quelques siècles en arrière…
En 1680, le château Colbert est bâti sur le domaine féodal de la commune, par Édouard-François Colbert, frère du célèbre ministre de Louis XIV. En 1815, l’édifice est restauré, après les Guerres de Vendée et un parc romantique est créé. 80 ans plus tard, le domaine est racheté par Eugène Bergère, un riche industriel choletais, et son épouse. Le couple rencontre Alexandre Marcel, un éminent architecte parisien – qui devient son gendre – passionné par l’extrême-orientalisme. Ce dernier participe activement à l’exposition universelle de Paris, en 1900, et y réalise trois pavillons : Cambodge, Espagne et Compagnie des messageries maritimes, appelé Panorama du tour du monde. Dans un savant mélange des genres, il en reproduit quelques éléments dans le parc du château: un temple hindou, un pont d’inspiration khmer, une pagode, une lanterne japonaise… Fortement appuyé par Alphonse Duveau, chef jardinier, il crée alors un jardin d’inspiration japonaise, dont le paysage longe les rives de la Moine qui le traverse, symbolisant déjà l’horloge de la vie, de la naissance à la maturité, en passant par l’âge adulte.
La mobilisation d’un collectif
Au décès des propriétaires, en 1945, le jardin est laissé à l’abandon, avant de connaître une véritable renaissance, en 1980. La Commune de Maulévrier, soucieuse de conserver ce lieu chargé d’histoire, rachète les 29 ha, grâce à la volonté farouche du maire de l’époque, Jean-Louis Belouard, face aux exploitants agricoles et forestiers qui lorgnaient le terrain. L’idée ? Peut-être en faire un terrain de camping, des courts de tennis ou un parc de loisirs !
Le repérage d’éléments patrimoniaux par Nicole Lenevez, inspectrice des sites, qui classe 20 ha en site naturel français, donne un nouvel élan au projet. "Sur cette terre de communauté, où les gens s’entraident et contribuent au collectif, de premiers bénévoles– des pêcheurs, chasseurs, mais aussi basketteurs ou acteurs du monde culturel – se mobilisent pour débroussailler le terrain. La priorité, c’est de sauver le parc. L’étang est envasé, les allées envahies par les herbes, les bâtiments en ruine…" rappelle Alain Caillé, directeur du Parc oriental.
Ainsi, pendant trois ans, ces Maulévrais attachés au jardin, qui se constituent en association en 1982, s’investissent et abattent une masse de travail phénoménale pour ouvrir le parc au public, en 1985. Voilà 40 ans tout juste. D’abord annoncé comme parc romantique avec des fabriques d’Extrême-Orient, le site est officiellement reconnu comme un jardin japonais de la période Edo avec des éléments hybrides, par des universitaires de Tokyo et Niigata, en 1987. Si la version française impose de l’ordre quand l’anglaise est plus foisonnante, le paysage japonais, proposant une mise en abîme de lieux mythiques et sacrés, apporte une autre dimension. Il touche l’âme et apaise.
"On y retrouve les esprits et des références systématiques à des religions ou philosophies. Du taoïsme, il assimile la relation intime de l’homme avec la nature ; du bouddhisme l’idée d’impermanence et de renaissance et du shintoïsme, la connexion entre la réalité et l’au-delà" explique Jean-Pierre Chavassieux, président de l’association du Parc oriental de Maulévrier. Celle-là même qui assume toute la gestion aujourd’hui. "Dès le départ, le jardin devait coûter le moins possible à la Commune, qui s’est désengagée au profit de l’association, au début des années 90, tout en restant propriétaire. Malgré le manque de moyens, nous étions tous motivés pour trouver des solutions et réussir. C’est une vraie aventure humaine."
À force d’implication et de persévérance, l’association réussit très vite son pari de concevoir, entretenir et valoriser le parc et embauche ses premiers salariés, experts dans la taille des arbres. Aujourd’hui, ce sont 35 équivalents temps plein qui œuvrent dans les allées du parc au fil des mois pour le magnifier dans une démarche environnementale (aucun produit chimique, compostage, zéro déchet…), accueillent le public, tiennent le salon de thé, la boutique ou la jardinerie spécialisée, animent des ateliers, se chargent de la communication, etc. Tous sont formés régulièrement à différentes pratiques. Aussi, une centaine de bénévoles s’activent toujours pour proposer des visites guidées, accompagner des invités, ramasser des branchages ou effectuer d’autres missions.
"Ce modèle associatif est vraiment unique en France et une référence, se réjouit Jean-Pierre Chavassieux, également à l’initiative de la création de l’Association européenne des jardins japonais en 2022. En lien étroit avec le ministère de l’Environnement, nous disposons d’une grande liberté pour un site classé même si nous vivons aussi avec une grande responsabilité. Nous travaillons quotidiennement pour respecter l’esprit du lieu et la nature, qui n’est jamais figée. Le parc ne nous appartient pas, c’est nous qui lui appartenons. Nous sommes tous à son service et il est au service du public." Un public qui le lui rend bien…
Une identité
En 2024, le record de fréquentation a été battu, avec plus de 230 000 visiteurs, malgré une météo parfois maussade, alors qu’ils n’étaient que 100 000, en 2017, à passer sous le torii, ce portail traditionnel peint en rouge qui symbolise la frontière entre le monde profane et un espace sanctuarisé. "Depuis le début des années 2010, le Parc oriental a atteint une maturité dans son paysage et le bouche-à-oreille, ainsi que des émissions télévisées avec de belles audiences, ont participé à créer notre notoriété et l’attractivité, se satisfait Alain Caillé. Désormais, nous souhaitons absorber cette croissance sans dégrader la qualité de l’expérience que nous voulons offrir aux visiteurs, qui se diversifient avec des amoureux de la nature, du voyage, de la culture japonaise – mangas, animé, cosplay… Le Parc oriental doit rester une bulle pour un moment de détente, tout en étant le premier élément touristique moteur du Choletais. Nous profitons de notre grand frère porteur, le Puy du Fou, mais sommes un maillon à part entière. Notre développement se construit en harmonie avec le territoire, sans oublier notre histoire, notre identité et la transmission qui nous incombe."
Invitation à la contemplation
Avec son entrée réaménagée, l’île du soleil couchant terminée, de nouvelles plantations et une multitude de détails repensés ici et là, le Parc oriental se réinvente encore cette saison. Pour leur première ou énième visite, les visiteurs se laisseront une nouvelle fois transportés, et peut-être transformés, par les lieux et leurs émotions. Et inlassablement, ils pourront revenir. À une autre saison, une autre heure, un autre ciel, ils découvriront un autre parc. D’autres sensations.
Pour célébrer ces 40 années d’ouverture au public, une exposition retracera, tout au long de cette saison, l’histoire du site, de l’association et de tous ceux qui ont fait et font vivre le parc – classé jardin remarquable en 2004 – à travers des dizaines de panneaux répartis sur le chemin de crête.
À ne pas manquer
Le Parc oriental sera ouvert de ce jeudi 13 mars au dimanche 16 novembre et animé d’événements marquants tout au long de ces mois.
Hanami
Du jeudi 13 au lundi 31 mars
La saison commence par cette coutume japonaise d’admirer la beauté des cerisiers en fleurs. Exceptionnellement, il est possible de pique-niquer (repas zéro déchet) sous les arbres.
Un invité d’honneur sera présent tous les samedis et dimanches pendant cette période.
Ikebana
Du vendredi 11 au dimanche 13 avril
Trois jours pour découvrir « l’art de faire vivre les fleurs » avec une exposition et des démonstrations.
Kodomo No Hi
Samedi 3 et dimanche 4 mai
Les koïnobori, manches à air en forme de carpe, s’installent au jardin pour ces journées des enfants, ponctuées d’animations et ateliers créatifs.
Bonsaï Shō
Samedi 14 et dimanche 15 juin
Le salon national du bonsaï revient avec une nouvelle identité, à une nouvelle date ! Une exposition sur sélection, des ateliers découverte tout public, des démonstrations et conférences, un village professionnel et, en vedette, l’école italienne Bonsaï creativo school fondée par Sandro Segneri, marqueront cette 13e édition.
Kamiplay
Samedi 12 et dimanche 13 juillet
Devenu incontournable en seulement trois ans d’existence, Kamiplay est le rendez-vous des cosplayeurs et photographes. Quand prendre les traits de son personnage favori devient un art…
Peintres au jardin
Dimanche 3 août
Artistes amateurs ou professionnels posent leur chevalet dans le parc et partagent leurs techniques et sensibilités avec les visiteurs, sur un thème libre.
Arts du Japon
Samedi 13 et dimanche 14 septembre
Initiations et démonstrations invitent à la découverte des arts du Japon : dessin manga, bonsaï, danse yosakoi, taïko, kyudo, calligraphie, kendama et bien d’autres.
Les musicales
Dimanche 5 octobre
Promenade inédite au rythme de la musique japonaise moderne et traditionnelle.
Momiji
Du samedi 8 au dimanche 16 novembre
Pourquoi ne pas clôturer la saison comme elle a commencé, en venant à nouveau pique-niquer sous les arbres, parés de leurs couleurs d’automne ?
Le jardin de nuit
De mai à septembre, le parc offre un nouveau visage à la tombée de la nuit. Autour de la pièce d’eau, entre pénombre et lumières, la promenade est rythmée par six contes japonais traditionnels pour petits et grands. L’occasion de découvrir le jardin avec un autre regard…
Infos pratiques
Place de la Mairie à Maulévrier
Tél. : 02 41 55 50 14
Courriel : contact@parc-oriental.com
Site internet : www.parc-oriental.com
Tarifs :
- adulte : 10,50 € jour, 10 € nuit, 19,50 € jour et nuit
- jeunes de 12 à 17 ans, étudiants et personnes à mobilité réduite : 9,50 € jour, 9 € nuit, 18,50 € jour et nuit
- gratuit pour les moins de 12 ans
- Tarifs préférentiels à l’office de tourisme du Choletais